Dans
la quasi-totalité des sanctuaires abritant une vierge noire fleurit une
même légende imprégnée de sens ésotérique aux dimensions universelles.
Ce texte imaginaire mais sur-rationnel unit la terre aux étoiles comme
se doit de le faire tout alchimiste en communion avec l’énergie vitale.
Il relate les circonstances de la découverte de la statuette de bois
noir sur deux registres : celui du conte qui marque la mémoire populaire
et celui des lois de la nature exaltées par l’alchimie.
En prenant pour référence le récit de Notre-Dame de Marceille, près de Limoux dans l’Aude, le voici dans son intégralité :
« Un
laboureur qui cultivait son champ voit ses bœufs arrêtés soudain par un
obstacle invisible. Il a beau les presser, les exciter, ils demeurent
immobiles et résistent à l’aiguillon. Le laboureur, d’abord stupéfait,
se sent bientôt envahi par une impression indéfinissable. Poussé par une
inspiration subite, il creuse la terre, pour découvrir l’obstacle qui
arrête les bœufs. Tout à coup une madone de bois, à la figure brune, au
regard céleste, se présente à ses yeux étonnés Nos ancêtres auraient
élevé une chapelle pour y conserver la statue miraculeuse. »
Evidement
nul n‘est sensé accréditer une pareille histoire car son sens est
essentiellement lié à la symbolique et pratique de l’alchimie. Rien de
surprenant à cela puisque la couleur noire se manifeste dans la matière
(mater, matrice) lors d’une étape essentielle du Grand Œuvre.
« Un laboureur que cultivait son champs »
annonce déjà la couleur… Puisque l’alchimiste est appelé laboureur ou
labourant. Ainsi l’alchimiste François Cambriel en sa treizième leçon de
son livre Cours de philosophie hermétique (1843) dit sans ambages :
« De même que les laboureurs des champs, le philosophe hermétique est obligé de travailler la terre philosophique… »
Par la suite il nomme les alchimies « Labourants »
Levons
la tête vers le ciel, vers ces constellations qui animent de leurs
scintillements la noirceur cosmique. C’est vers ces étoiles, vers ce
qu’elles évoquent, que les Vierges noires trouvent leur sens.
Il
est tout à fait naturel de se tourner vers la constellation de la mère
par excellence qu’est la Vierge qui en qualité de signe zodiacal désigne
la période de l’année comprise entre le 23 août et le 22 septembre.
Intervalle temporel propice à l’accomplissement du Grand Œuvre. Il ne
peut s’agir d’une coïncidence puisque cette constellation contient celle
du bouvier, le laboureur du ciel. Elle porte le nom de Bouvier
depuis longtemps, cependant il est difficile de dire qui ce bouvier
représente. Selon une version, il s'agit d'un laboureur qui conduit les
sept bœufs (septem triones) de la constellation de la Grande Ourse.
Les bœufs seraient liés à l'axe polaire et le Bouvier perpétuerait la
rotation des cieux. La vierge étant appelée, dans ses litanies, « Porte
du ciel ». Cette Porte étant l’étoile polaire qui indique le nord… Voilà
pourquoi la chapelle de la vierge, dans toutes les églises, est
orientée vers le nord.
L’étoile la plus brillante du bouvier est Arcturus, qui se situe dans le prolongement de la queue de la Grande Ourse. Son nom signifie Gardien de l'ours(e) en grec ancien. En d’autres termes c’est le gardien du pole arctique ou pole nord.
Ici
point de place pour la spéculation. C’est une précision bonne à
connaitre au laboratoire puisqu’il faut orienter les verreries vers le
nord.
« Un laboureur qui cultivait son champ voit ses bœufs arrêtés soudain par un obstacle invisible. » Des
obstacles invisibles, comme la pureté des matières, la température,
l’humidité de l’air et sa turbulence jalonnent les étapes du grand
œuvre. Ils conditionnent la réussite finale du labourant.
« Il
prend avec respect la statue de Notre-Dame, il la porte dans sa
maison ; mais le lendemain la statue a disparue ! Le laboureur revient à
son champ, et il retrouve de nouveau l’image dans le trou qu’il à
creusé la veille. Vainement Il L’emporte une deuxième et une troisième
fois, la statue miraculeuse disparait toujours pour regagner la colline
champêtre de prédilection… »
Nous sommes là à l’ultime étape du Grand Œuvre qui bien souvent fut comparée au rocher de Sisyphe.
Sisyphe
est l’un des personnages de la mythologie grecque. Il avait déclenché
la colère des dieux de l’Olympe. En guise de châtiment, ces derniers le
condamnèrent à grimper à la cime d’une montagne en faisant rouler un
immense rocher. Cependant, une fois au sommet,
il n’y avait pas assez de place pour le bloquer. La roche redescendait
aussitôt, obligeant Sisyphe à le remonter encore et encore.
Ici,
ce retour de la Vierge noire en son lieu de découverte, cette
réitération à trois reprises est à l’image de la multiplication
alchimique. En effet, lorsque le Grand Œuvre est achevé il doit être
recommencé des le début à plusieurs reprises, généralement trois fois. A
chaque répétition le temps pour obtenir la pierre rouge diminue tandis
que sa puissance augmente. C’est la diminution du temps qui limite le
nombre de répétitions. Ainsi la troisième répétition nécessite environ
12 heures. La quatrième nécessiteras 6 heures seulement et la cinquième
environ trois heures. Certains adeptes sont parvenus jusqu’à neuf, ce
qui est une prouesse nécessitant une grande dextérité. Parvenu à ce haut
degré de concentration énergétique la pierre brille comme un petit
soleil. Telle est l’origine des lampes éternelles. Ces lumignons
devaient se trouver dans les cryptes au pied des Vierge noires. C’est
une supposition diriez-vous, j’y souscris volontiers…
Avec toute mon amitié LG.
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